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Un peu d’uchronie : " La cérémonie d’obsèques du maréchal Pétain à Douaumont le 23 juin 1938 "

Histoire et mémoire

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07/11/2016

Un peu d’uchronie
 
La cérémonie d’obsèques du maréchal Pétain
à Douaumont le 23 juin 1938
 
          En juin 1938, alors qu’il s’apprêtait à se rendre à Metz où il devait assister à la cérémonie de mariage de la fille du commandant de Région, le général Giraud, le maréchal Pétain, âgé de 82 ans, s’effondre à sa table de travail victime d’une embolie cérébrale, au 4bis du boulevard des Invalides où il disposait toujours d’un état-major particulier. L’émotion dans le pays comme à l’étranger est considérable. Le gouvernement, présidé par Edouard Daladier, décrète une semaine de deuil national et, à l’issue des cérémonies parisiennes, la dépouille du Maréchal est conduite vers la Meuse, où l’inhumation du Vainqueur de Verdun aura lieu à Douaumont, face à l’Ossuaire. Cette chronique a pour objet de rapporter ce que fut cette cérémonie, qui laissa à tous les participants, officiels, anciens combattants ou simples particuliers, un souvenir impérissable.
            Dès l’arrivée en gare de Verdun du train spécial qui comprenait le wagon mortuaire, les honneurs militaires furent rendus à la dépouille du Maréchal par l’ensemble des unités de la garnison, sous le commandement du commandant de Région, le général Giraud. Puis le cercueil du Maréchal fut placé sur une prolonge d’artillerie d’un régiment de la garnison de Verdun, et emmené à Douaumont, où il fut accueilli par le drapeau du 33è R.I. dont la garde avait revêtu l’ancienne tenue bleu-horizon avant d’être hissé sur un catafalque à l’entrée de l’Ossuaire. Toute la nuit, dans un silence impressionnant, les Anciens combattants défilèrent interminablement devant leur ancien Chef pour lui rendre un dernier et solennel hommage.
            Le 23 juin matin, les officiels arrivèrent en masse pour le dernier hommage national avant l’inhumation. Comme à Paris, l’avant-veille, les cordons du poêle étaient tenus par les chefs actuels de l’armée : en premier lieu, les généraux Gamelin et Weygand lequel maugréait un peu en silence, de crainte que cette cérémonie n’efface l’inoubliable et ultime trajet de la dépouille de son Chef, le maréchal Foch, de Notre Dame aux Invalides, par un matin froid de janvier, neuf ans auparavant. Derrière, jurant par leur tenue bleue dans cette assemblée kaki, se tenaient le général Vuillemin et l’amiral Darlan lequel se disait que décidément, il préférait la sobriété des cérémonies de la Marine au faste déployé par l’Armée. Derrière eux, le général Nollet, Grand Chancelier de la Légion d’Honneur et le général Gouraud, Gouverneur militaire de Paris qui ne comprenait toujours pas pourquoi le Maréchal Pétain n’était pas inhumé aux Invalides aux côtés de ses pairs, Foch et Lyautey, formant une dernière garde au sarcophage de l’Empereur. Avant l’arrivée des officiels, un colonel d’Infanterie au profil d’aigle, splendide dans une tenue remarquablement coupée, portant un coussin sur lequel le bâton de maréchal de France du maréchal Pétain avait été posé vint se placer devant le cercueil. Il demeura immobile durant toute la cérémonie dans un garde-à-vous hiératique. Il s’agissait du président de la session en cours du CHEM qui avait dû jouer des coudes et faire intervenir ses relations avec le général Giraud pour être à cette place, le colonel Jean de Lattre de Tassigny. Le IIè bataillon de l’Ecole Spéciale Militaire qui devait se faire baptiser le mois suivant promotion Marne et Verdun vint se placer de part et d’autre du catafalque, pendant que leurs Anciens, la promotion du Soldat Inconnu vint s’aligner face à eux, précédés par l’Escadron, commandé par un capitaine décoré de la légion d’Honneur, le capitaine Philippe de Hautecloque.
            Peu à peu, les officiels débarquaient et vinrent se placer dans l’attente de l’arrivée du président de la République et du Gouvernement au complet. On pouvait y distinguer les présidents Pierre Laval et Léon Blum. Le premier, sénateur de l’Allier, portant son immuable cravate blanche, vieux pacifiste dans l’âme et anti militariste irréductible se demandait bien ce qu’il faisait là ; quant au second, il se disait que la France venait de perdre le seul ambassadeur « crédible » que la République pourrait un jour accréditer auprès de Franco s’il venait à gagner, mais il chassa vite cette idée de son esprit, les Républicains espagnols ne pouvant être défaits. Les délégations étrangères étaient innombrables. Parmi elles, la délégation allemande, emmenée par le maréchal Göring dont le long manteau tombant jusqu’à ses chevilles ne pouvait dissimuler un extraordinaire embonpoint. Il était accompagné de deux généraux, Beck et Stülpnagel, monocle vissé à l’œil, qui tous deux avaient, par lettre, exprimé à madame Pétain tout le respect que la vieille armée impériale allemande – sous-entendu pas l’armée de voyous actuelle – savait conserver pour leur adversaire de la dernière guerre. La délégation américaine était composée de deux inconnus, le général Mac Arthur, qui avait été, pour l’occasion, distrait de son proconsulat philippin et d’un certain colonel Patton. Tous deux avaient fait une guerre magnifique dans les derniers mois de l’année 1918 au cours de laquelle l’armée américaine avait été engagée en Argonne.
            A son arrivée, en redingote et coiffé d’un haut de forme à huit reflets, les honneurs militaires furent rendus au président de la République, Monsieur Albert Lebrun, par le commandant des troupes, le général Giraud, commandant la 6è Région, à cheval, escorté d’une manière un peu désuète, par un peloton à cheval du 30è Dragons, portant lances et flammes rouges et blanches. Pour la revue des troupes, le Président, accompagné du général Georges, Gamelin étant au pied du catafalque,  prit place dans un engin de Dragons portés, Laffly, à roue sur l’essieu avant et à chenilles à l’arrière. Ils étaient suivis du général Giraud, toujours à cheval. Pendant que retentit la Marseillaise, le maréchal Franchet d’Espèrey se leva difficilement du fauteuil roulant où il se trouvait dorénavant cloué et se dit que, décidément, il y avait beaucoup trop de francs-maçons dans l’assistance et qu’en ce qui le concernait, il demanderait des obsèques discrètes, chez lui, en la cathédrale d’Albi.
            La revue des troupes achevée, avant le défilé, vint le moment du discours. A la demande expresse de la maréchale, il fut prononcé par une ancienne « plume » de son mari. S’avança alors un immense colonel de chars, aux longues bottes vernies, portant la veste et le casque de cuir des unités blindées : le colonel Charles de Gaulle, commandant le 507è régiment de chars de combat. Ganté de blanc, il s’avança, raide, vers le cercueil, salua longuement, ne posa son regard sur personne, et, sans note, d’une voix grave et posée, il déclama son discours dont les passages essentiels émurent toute l’assistance : « Monsieur le Maréchal, au moment où le Pays eut à choisir entre l’aventure et la raison, votre heure de gloire fut venue. (…) Sur le champ de bataille, il fut démontré, qu’en dépit de l’inconstance et de la dispersion qui nous sont trop souvent naturelles, le fait est qu’en nous soumettant aux lois de la cohésion, nous sommes capables d’une ténacité et d’une solidarité magnifiques et exemplaires. (…) La gloire que, vous avez acquise à Verdun, Monsieur le Maréchal, puis gardée en conduisant ensuite l’armée française à la victoire, ne saurait être contestée, ni méconnue par la patrie. (…) Ces dons de chef, monsieur le Maréchal, vous les possédez par excellence. Mis, le 26 février, à la tête de la IIème Armée par Joffre, qui décide en même temps de tenir ferme à Verdun, vous installez votre poste à Souilly. C’est de là que, jusqu’au 1er mai, vous allez commander la défense, de telle sorte que notre dispositif, articulé en quatre groupements, Guillaumat, Balfourier et Duchêne sur la rive droite, Bazelaire sur la rive gauche, ne cessera jamais, dans son ensemble, d’être bien agencé, bien pourvu et bien résolu et que l’offensive de l’ennemi échouera décidément malgré la supériorité de feu que lui assurent 1 000 pièces d’artillerie lourde. »[1]
            La cérémonie s’acheva par le défilé des troupes devant le catafalque, sur la longue avenue qui longe l’Ossuaire. Au moment où se présente le 507è R.C.C, alors que son chef de corps fait tête droite pour saluer (ce qui lui fait ostensiblement tourner le dos à Giraud), d’un un seul mouvement, toutes les tourelles pivotent à droite canon au bleu. Ultime salut d’un ancien sous-lieutenant du 33è R.I. à son Chef auquel il devait tant.
 
 
Claude Franc
Promotion Maréchal de Turenne.
 

[1] Extraits du discours réellement prononcé par le Général de Gaulle le 29 mai 1966 à Douaumont. La conjugaison des verbes à la deuxième personne a été choisie pour les besoins de la cause. 
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